dimanche 27 janvier 2019

Pour réfléchir sur le Loup

Pour réfléchir sur le Loup ...

Je vous propose la lecture de cette tribune rédigée par Alex Clamens. Le Loup n'est pas encore dans le Val d'Allier, mais il y passera un jour (ou peut-être pas, et je ne sais pas - dans son intérêt - s'il faut le souhaiter). Est-il nécessaire d'ajouter que si je publie ce texte c'est que je le partage ?


Photographie : Chris Muiden [CC BY-SA 3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/)]

<< La position de nos associations naturalistes sur le loup peut être résumée ainsi : l’objectif est de permettre le retour de l’espèce en France avec un objectif de 500 individus, seuil de viabilité génétique. Mais cette expansion doit se faire en aidant les éleveurs, l’objectif étant d’arriver à une acceptation de l’espèce et donc à une minimisation des dégâts. Il faut donc arriver à concilier loup et élevage. Et l’Italie est donnée en exemple de cohabitation réussie. Il est également mis en avant que la France est le deuxième pays en nombre de moutons tués par loup et par an (22,5, le record est la Norvège avec 47,7, l’Italie est à 2). Ce sont ces points que je voudrais discuter.



Depuis le retour de l’espèce en 1992, l’aire de répartition s’étend et la population de loups augmente. Les dégâts aussi, et ce malgré les divers plans et aides : chiens de protection, aide berger, clôtures, cabanes. Il semble que rien ne puisse arrêter cette augmentation des moutons tués et on dépasse aujourd’hui les 11 000 par an alors que des sommes conséquentes ont été investies (22,5 millions d’euros en 2018 pour protection et indemnisation). Dans le Champsaur (Hautes-Alpes), où j’ai une maison, 7 alpages possèdent des chiens (Patou ou berger d‘Anatolie). Cette année, un loup a été tué par un patou sur un des alpages. On pourrait dire la protection est efficace mais il s’agissait d’un individu isolé qui a révélé à l’autopsie avoir du plomb dans le derme, donc affaibli et contraint d’attaquer seul un troupeau. Un peu plus au sud par contre, dans les Alpes de Haute-Provence, un troupeau protégé par 3 patous a été attaqué : bilan plusieurs dizaines de brebis tués ainsi que 2 patous. On peut donc s’interroger sur l’efficacité des mesures prises. 


Et en Italie ? J’ai vu deux reportages, un à la télé, l’autre dans Le Monde, avec des troupeaux non attaqués malgré la présence de loups. L’un comportait 1100 bêtes, fractionné en 10 troupeaux de 110 moutons protégés chacun par 10 patous et un berger (albanais ou macédonien, sans doute payé au black et corvéable à merci). L’autre, de 1500 moutons, était protégé par 38 patous. On est dans une autre échelle que nos troupeaux avec 2 à 3 patous. Quant aux barrières de protection nocturne elles mesurent là-bas 3 m de haut. Ce modèle italien est-il transposable chez nous ? Quel est son coût ? Quel impact sur la rentabilité ? Est-il acceptable par le monde agricole et nos concitoyens ? Les éleveurs sont-ils au courant du niveau de protection réellement efficace ? Et les protecteurs du loup ?



Puisque l’on parle d’Italie, le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur le loup dans les années 1990 avait conclu que les conditions n’étaient pas comparables des deux côtés des Alpes. Alors que nous avons de grands troupeaux vulnérables en alpage élevés pour la viande, les italiens ont de petits troupeaux pour le lait rentrés la nuit. De plus, dans les Abruzzes l’élevage ovin avait considérablement régressé au profit du bovin pour faire des fromages râpés type parmesan plus lucratifs. Cette différence expliquait le plus faible impact du loup en Italie. Mais j’ai lu récemment que cette tendance a continué, avec dans les Abruzzes une diminution des deux tiers de l’élevage ovin en 30 ans. De plus les troupeaux italiens sont toujours plus petits, élevés près des habitations, cet élevage régresse avec l’abandon des alpages les plus éloignés ou non desservis par des pistes et donc plus vulnérables au loup. Un coup d’œil en Espagne montre une situation similaire : régression de l’élevage ovin dans de nombreuses zones à loups (Asturies par exemple). 

Du coup, quand on compare les nombres de moutons tués par loup compare-t-on des choses comparables ? La différence entre la France et ses voisins reflète-t-elle une cohabitation réussie chez eux ou une disparition de l’élevage ovin, due au loup ou à une absence de compétitivité ? D’autant plus que de l’autre côté des Alpes les loups sont soumis à un braconnage intense. En 2003, Luigi Boitani (spécialiste italien du loup, président de Gruppo Luppo Italia) estimait que 10 à 20% de la population italienne de loup était abattue illégalement chaque année sans empêcher son accroissement annuel d’environ 6%. Aujourd’hui il estime ce braconnage à 200 à 300 loups tués par an, soit presque l’équivalent de toute la population française. Ceux qui écrivent que tout se passe bien en Italie avec le loup, et c’est un discours fréquent chez les protecteurs de l’espèce, sont donc soit incompétents soit malhonnêtes. Quant à l’Espagne on y compte 200 loups tués par an, légalement ce coup-ci.



Puisque l’on en est à parler patous, ces chiens posent des problèmes de cohabitation avec les randonneurs. Ces interactions sont minimisées par les protecteurs du loup et amplifiées par ses opposants (normal mais ça n’aide pas à réfléchir). Aucune statistique n’existe, donc difficile d’y voir clair. Mais mon expérience personnelle m’a montré que ça dépend beaucoup des chiens et des sites. Et après quelques rencontres stressantes avec des chiens de protection (une mâchoire de patou qui se referme, sans serrer heureusement, sur son bras laisse un souvenir impérissable), moi qui suis un randonneur montagnard pratiquant le hors sentier pour faire des sommets ou observer des oiseaux et un peu d’alpinisme, j’ai arrêté de fréquenter 6 des 7 alpages du Champsaur protégés par des chiens (sur le 7ième le patou est une chienne sympa atypique qui vient se faire caresser par les randonneurs auxquels le berger demande de s’abstenir). Et j’ai enlevé de mes circuits VTT celui qui passe à côté d’une ferme où l’éleveur possède un patou. L’été dernier, en randonnant dans un secteur où je ne savais pas si le berger avait un patou, j’ai passé une matinée stressante, continuellement aux aguets afin de pouvoir repérer le chien avant qu’il ne me voit. Vive la randonnée en montagne ! Mais il y a un autre impact des patous qui mérite l’attention. Les gardes du parc des Ecrins m’ont indiqué que sur les secteurs où ils sont présents les patous éradiquent les marmottes. Renseignement pris, dans le Mercantour la direction du parc indique qu’il s’agit d’un problème ponctuel limité à certains alpages. Mais dans la Vanoise il semble que la présence des patous élimine une grande partie de la faune. Et je m’interroge sur l’impact sur le tétras lyre, sachant que l’un des moyens de gestion utilisé pour entretenir les milieux favorables à cette espèce est justement l’élevage ovin extensif, et qu’un troupeau de moutons en aulnaie verte est justement un troupeau très vulnérable à la prédation, donc susceptible d’être protégé par des chiens. Beaucoup de flous donc qui laisse la porte ouverte à toutes les interprétations de la part des éleveurs comme des naturalistes protecteurs du loup.



Autre point de réflexion, le fameux seuil de 500 loups. Cette valeur résulte de calculs de biologie des populations et il faut savoir :

-Qu’il est discuté par les spécialistes ;

-Qu’il est basé sur des mesures de diversités génétiques avec des allèles dont on ignore la valeur sélective et même s’ils en ont une ;

-Que l’on ne connaît aucune espèce dont on soit sûr que l’extinction ou la régression soit la conséquence d’une diversité génétique trop faible due à un effectif trop petit ;

-Que les exemples abondent chez les animaux, et encore plus chez les plantes avec chez ces dernières un recours à l’autofécondation, d’espèces qui ne régressent pas avec des effectifs réduits, ou qui se sont reconstituées après être passés par des effectifs très faibles (loup des Abruzzes, bouquetin des Alpes, éléphant de mer boréal, condor de Californie).

En résumé, cette valeur de 500 c’est probablement du pipeau.



Enfin, j’ai été frappé (ça m’a fait un choc) dans l’émission de public sénat par ce couple de jeunes agriculteurs résignés qui avait diversifié ses activités en se lançant dans l’élevage ovin et qui avait dû abandonner à cause du loup. En effet, le système n’était viable que si le troupeau restait dehors la nuit car ils n’avaient pas le temps de le rentrer le soir et de le sortir le matin (2 heures par jour, incompatible avec les autres activités). On est donc face à des gens qui bossent dur, qui sont en équilibre financier instable avec de petits revenus, et qui sont menacés dans leur survie par le loup. Et des naturalistes confortablement installés en ville vont leur expliquer que c’est important pour protéger la biodiversité. De même, j’ai constaté sur le Causse Méjean que les troupeaux de brebis allaitantes restent en bergerie, et j’ai l’impression (ça m’a été dit) que c’est à cause du risque de prédation par le loup. Du coup, nous, naturalistes membres de la LPO, sommes en porte à faux. En effet, nous encourageons une agriculture douce, biologique, en circuit court, celle justement que le loup met en difficulté. Et nous manifestons pour le bien-être animal alors que la présence du loup conduit à maintenir les animaux en intérieur, nourris au foin et pas à l’herbe. Si je voulais être provocateur je rajouterais à l’adresse des naturalistes végans que en tant que mouton je préférerais être occis dans un abattoir agréé où l’on travaille proprement que éventré par un loup dans la nature après une longue agonie.



Je pense donc que le problème loup est un problème complexe, plus complexe que l’on ne veut le faire croire. Je suis incapable de dire si la cohabitation loup élevage est réellement possible. Je crois que la seule manière de protéger est d’éduquer le loup en lui faisant associer mouton et danger, et je pense que les tirs blessant non létaux sont la solution (le loup qui aura pris une décharge, ou une balle en caoutchouc, en attaquant des moutons réfléchira la fois suivante). Les éleveurs doivent comprendre que l’éradication est impossible car il faudrait utiliser piège et poisons, et que si le loup n’était plus protégé ils perdraient toutes les aides actuelles. 


Mais je pense aussi :

-Qu’il faut arrêter de stigmatiser les éleveurs, car ils ont le droit de vivre de leur travail avec un maximum de confort, qu’ils ont autant de droit que d’autres sur les espaces naturels, et dans l’absolu toute stigmatisation d’une profession comme d’une culture ou d’un comportement humain est inadmissible, confronté au loup je réagirais sans doute comme eux ;

-Que les discours que j’entends à leur encontre sont insoutenables (ils n’ont qu’à se protéger, ils sont remboursés, leurs pertes dues au loup sont minimes, imaginez le même discours tenu à un naturaliste qui a été cambriolé…).


Enfin je suis personnellement opposé à toute politique qui tendrait à faire disparaître l’élevage pour laisser la place au loup. Peut-être est-ce la conséquence des gènes dont j’ai hérités de mes ancêtres paysans cévenols, mais quand j’entends un administrateur de la SNPN qui propose comme solution que l’on abandonne des alpages difficiles à défendre contre le loup je suis scandalisé. Je sens pointer chez certains cette volonté d’un retour à la naturalité en déplaçant les hommes contre leur grès. Un naturaliste n’avait-il pas écrit dans 'Le Courrier de la Nature' que les éleveurs ne sont que tolérés dans les parcs nationaux ? Exactement ce qui se fait en Afrique, ou en Inde, quand on déporte des populations pauvres loin des terres qui leur permettent de vivre pour permettre la survie des tigres et des éléphants. Lors d’un échange avec un célèbre naturaliste protecteur du loup, ce dernier m’avait affirmé ne pas être choqué par ces déplacements forcés de populations. Il s’agissait peut-être pour lui d’un point de détail de l’histoire de la protection de la nature ? >>
A.C.

samedi 5 janvier 2019

Ouvrage d'art

Les Castors ne chôment pas malgré le temps frisquet !  De mois en mois, les barrages sont de plus en plus nombreux et imposants sur certains bras morts: tel celui-ci qui fait près de dix mètres (accompagné de trois autres barrages tous proches en amont et aval) !