samedi 1 juillet 2017

Les populations d'Alouettes en chute libre ?!

La LPO lance une campagne "Faisons revenir l'Alouette dans les champs"..... 

C'est en recevant ce document que je me suis dit : voilà l'objectif prioritaire sur lequel les protecteurs des oiseaux doivent travailler : les espèces des milieux agricoles. 

Cette préoccupation est déjà très ancienne: de nombreuses espèces des milieux agricoles de plaine (par exemple en Bourbonnais) ont disparu depuis 30 ou 40 ans : l'Outarde, la Chevêche, la Pie-grièche grise. Certaines vivent leurs derniers jours : le Courlis cendré ou le Vanneau huppé. Mais là on touche aux espèces que tout le monde pensait "communes" ! L'Alouette des champs, c'est un passereau que les naturalistes considéraient comme en déclin, mais avec encore des centaines ou milliers de couples dans le département.
Par exemple, en 2013, des naturalistes aguerris avaient évalué cette espèce sur une douzaine de carrés de 10x10 km (soit 100 km2) dispersés sur l'ensemble du département. La totalité des fourchettes d'effectifs retenues étaient de l'ordre de 10 à 100 couples /100 km2, et souvent de 100 à 1000 couples pour 100 km2. Pour l'Auvergne, une évaluation de 2013 donne une population de 58000 à 77000 couples nicheurs, ce qui ferait 10000 à 20 000 couples par département ?

Alors où en est l'Alouette dans l'Allier ?




Dans le département de l'Allier, la carte des observations d'Alouettes des champs nicheuses (indices "Probable" et "Certain") pour la période du 1er mars au 30 juin 2017 est la suivante (source : www.faune-auvergne.org"):


Seulement une TRENTAINE d'Alouettes !!   une catastrophe !  On est bien loin des centaines ou milliers d'Alouettes nicheuses. Ce phénomène me paraît - intuitivement - relativement récent.
(NDLR: depuis la publication de cet article, d'autres observations ont été effectuées : quelques dizaines, mais peut-on penser que cette centaine d'observations au grand maximum reflète la présence de dizaines de milliers d'Alouettes ? sûrement non).

Dans la Réserve Naturelle du Val d'Allier, que je connais bien mieux que tous les recoins de l'Allier, la situation est la suivante :
- Dans les années quatre-vingts (il y a donc trente ou quarante ans), l'Alouette était effectivement commune. Ainsi une étude (GUELIN, 1978) sur 425 ha de la RNVA montrait la présence de 25 couples sur 60 ha de prairies favorables (soit 4.16 cples/ 10 ha):


L'extrapolation à l'ensemble de la RNVA (même si elle n'existait pas à l'époque !) donne une population de 83 couples d'Alouettes, probablement plus car certains secteurs étaient beaucoup moins boisés (100 couples en 1980 est une bonne hypothèse).

- En 2006, l'équipe de la RNVA donne une estimation beaucoup plus faible : au moins 20 couples, mais l'espèce n'a pas été spécifiquement recherchée.

- Et voici la carte de 2017 :
Pas besoin d'un long commentaire pour comprendre la situation : l'Alouette a quasiment disparu de la RNVA. 3 points de contact (points jaunes) seulement: à Chemilly, Bessay et Monétay (attention, les ornithos ont pu en louper quelques-unes, car l'espèce n'est pas spécialement recherchée).

Il reste à bien maitriser les raisons de cette diminution. On pourrait arguer de la diminution des milieux favorables. 

C'est en partie vrai, car l'Alouette a besoin de prairies herbeuses pas trop hautes, et celles-ci sont moins fréquentes dans la RNVA , qui, c'est vrai, a tendance au boisement. 


Mais les milieux favorables existent encore dans les secteurs à forte dynamique (non enrochés)- voir photo ci-dessous, et les alouettes n'y sont pas non plus

























Bilan : pas optimiste !   Je pense que depuis 5 ans, cette espèce s'effondre littéralement, et que le phénomène est bien lié à une inflexion récente des pratiques agricoles que j'ai de la peine à identifier.
Pas mon genre d'être pessimiste, mais on va terminer sur ce graphe fourni par le Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris, qui montre la diminution de 50 % depuis 1990, des effectifs des populations de toutes les espèces d'oiseaux des milieux agricoles ... C'est du réel, pas de doute.